Les Origines de la charte
La Charte du Judo est le résultat d’un long travail de réflexion dont le thème était :
« Quelle est la conception du Judo de la Fédération Française de Judo et Disciplines Associées ? »
« Quelle mission celle-ci peut-elle se fixer par rapport à cette conception ? »
Plusieurs groupes de judoka français composés d’enseignants, d’athlètes de haut niveau, de dirigeants, d’arbitres, de formateurs, de simples pratiquants se sont réunis.
Tous, de grades, d’âges, de formation et d’origines divers, ont mis en commun pendant plusieurs années, leur expérience, leurs connaissances, leur vécu, leur culture, pour réfléchir sur ce thème.
L’écriture et la mise en forme de ce document ont été confiées à Emmanuel Charlot, professeur de Judo, journaliste et écrivain.
Le texte qui suit est le résultat de ces réflexions et d’un consensus de tous ceux qui ont participé à sa rédaction.
On remarquera qu’il se tient au plus près de la conception et des objectifs que s’était fixés Maître Jigoro Kano, créateur du Judo moderne.
Adopté à l’unanimité par le Comité Directeur fédéral c’est donc un texte officiel, précis et sans aucune ambiguïté, qui encadre les activités fédérales et peut dans tous les cas servir de référence, en particulier dans l’enseignement du Judo.
Le Judo est un moyen d’éducation. Conçu par Jigoro Kano, il s’appuie sur l’étude et la pratique d’un système d’attaque et de défense, issu de différents systèmes de combat traditionnels japonais (jiu-jitsu) qui privilégie les techniques de projection et de contrôle. Une pratique sincère et régulière, prolongée dans le temps, guidée par les principes essentiels du Judo et le respect de ses fondements, favorise l’accession à l’autonomie, à la maîtrise de soi, au respect des autres, à l’appréhension du réel. C’est la valeur éducative du Judo qui est transcrite par l’idéogramme DO (cheminement, voie, domaine d’approfondissement) du mot JU-DO.
LE JUDO EN FRANCE
Le rôle de la Fédération Française de Judo, Jujitsu, Kendo et Disciplines Associées est de regrouper l’ensemble des clubs qui adhèrent à une même démarche éducative et éthique, de développer et d’améliorer la pratique sous toutes ses formes et pour le plus grand nombre. Dans ce but, elle est exclusivement composée de pratiquants et oriente ses actions vers le club et le judoka.
Tenant compte des spécificités du Judo et de ses origines, elle s’est dotée d’un code moral inspiré du « Bushido » code des guerriers japonais définissant les règles de conduite comme l’étaient les codes de la Chevalerie. Il affirme les valeurs essentielles que la pratique du Judo permet de comprendre et d’acquérir et symbolise la volonté éducative du Judo français.
LES PRINCIPES ESSENTIELS
Trois principes essentiels et indissociables, distingués par Jigoro Kano, guident la pratique du Judo.
JU – l’adaptation Le premier est le principe de la non résistance et de l’adaptation (Ju). Ce principe est si étroitement lié à la discipline qu’il lui donne son nom : faire du Judo c’est s’engager dans la voie ( Do ) de l’application du principe de l’adaptation (Ju). Il invite à s’élever dans la pratique au delà de l’opposition des forces musculaires, pour atteindre à une véritable maîtrise des lois subtiles du mouvement, du rythme, de l’équilibre des forces. Ju est une attitude.
SEIRYOKU ZENYO – le meilleur emploi de l’énergie Le second principe est la recherche du meilleur emploi de l’énergie physique et mentale. Englobant le premier principe et le dépassant, il suggère l’application à tout problème de la solution la plus pertinente : agir juste, au bon moment, avec un parfait contrôle de l’énergie employée, utiliser la force et les intentions du partenaire contre lui-même.
JITA YUWA KYOEI – la prospérité mutuelle par l’union des forces. Le troisième principe est l’entente harmonieuse, la prospérité mutuelle par l’union de notre propre force et celle des autres. Découlant de la pratique sincère des deux premiers principes, il suggère que la présence du partenaire, du groupe, sont nécessaires et bénéfiques à la progression de chacun. En Judo, les progrès individuels passent par l’entraide et les concessions mutuelles. Jita Yuwa Kyoei est une prise de conscience.
LES FONDEMENTS DU JUDO
La pratique du Judo nécessite un ensemble d’éléments essentiels et indissociables.
Le Dojo – C’est le lieu de la pratique. Espace d’étude et de travail, il isole les pratiquants de l’agitation extérieure pour favoriser la concentration et la vigilance, permet l’organisation de la séance de Judo. Au delà de sa simple existence physique, le Dojo est un lien mental et affectif qui unit les pratiquants.
Les règles de conduite – Le judoka accepte les règles explicites du Dojo : la ponctualité, la propreté, l’écoute, le contrôle de ses actes et de ses paroles. Il s’efforce d’en respecter les règles implicites : l’engagement et la constance dans l’effort, l’exigence personnelle.
La tenue – Le judogi blanc du judoka est sobre et résistant. Identique pour tous, il marque l’égalité devant l’effort et le travail, dans le processus permanent d’apprentissage.
Le professeur – Il est le garant du processus de progression dans lequel il est lui-même impliqué. Il guide l’apprentissage vers la maîtrise technique en s’appuyant sur les principes essentiels et les fondements du Judo. Le professeur est un exemple.
Le partenaire – Le Judo se pratique à deux partenaires. Le judoka tient compte de l’autre et s’adapte à la diversité de chacun. Il respecte l’esprit de l’exercice.
Le salut – Le salut est la marque formelle du respect du pratiquant pour le professeur, pour le partenaire, pour le lieu d’apprentissage, pour l’espace de combat. Il ouvre et il ferme chaque phase essentielle de la pratique.
La chute – Aucune projection de Judo n’est possible sans un judoka pour l’effectuer et un autre pour la subir. L’acceptation et la maîtrise de la chute sont nécessaire au judoka pour garantir son intégrité corporelle mais aussi ses progrès futurs. La chute est une épreuve mentale aussi bien que physique.
Les bases techniques – L’efficacité du judoka se construit sur l’apprentissage approfondi et la maîtrise progressive de postures, de déplacements, d’actions de création et d’accompagnement du déséquilibre du partenaire, de formes techniques fondamentales, de facteurs dynamiques d’exécution. Ce socle commun de connaissances et d’habileté permet à chacun d’élaborer par la suite sa propre expression du Judo.
Le randori – Le randori organise la rencontre de deux judoka dans une confrontation dont la victoire ou la défaite n’est pas l’enjeu. L’expérience répétée du randori permet l’acquisition du relâchement physique et de la disponibilité mentale dans le jeu d’opposition, la mise en application dynamique des techniques acquises, l’approfondissement de la perception dans l’échange avec le partenaire, la compréhension et la maîtrise des différents principes d’attaque et de défense. Il est pratiqué dans une perspective de progression.
Le shiai – Le shiai organise la rencontre entre deux judoka dont la victoire ou la défaite est l’enjeu. Il se pratique contre un partenaire habituel ou contre un judoka inconnu, en fonction de règles prédéfinies qui permettent de juger de celui qui l’emporte. Il n’est pas l’aboutissement de la pratique du judoka. La pratique répétée du shiai permet l’accession à la dimension tactique et psychologique du combat. Le shiai est une épreuve de vérité, un test mutuel d’ordre technique, physique et mental.
Le kata – Le kata est un procédé traditionnel de transmission des principes essentiels du Judo. Il consiste à mémoriser un ensemble de techniques fixé historiquement et à exécuter cet ensemble de façon précise en harmonie avec le partenaire. La forme bien maîtrisée doit permettre l’expression sincère du geste de combat, l’engagement total sur le plan mental et physique des exécutants. Outil de stabilité et de permanence, le kata est un lien entre tous les pratiquants d’aujourd’hui et ceux qui les ont précédé.
Le grade – Le grade est le symbole d’une progression globale du judoka sur le plan mental (shin), technique (gi) et physique (tai) dont la ceinture est la marque apparente. La ceinture noire manifeste l’accession à un premier niveau significatif dans cette progression. Le grade est aussi le symbole de l’unité des judoka, formés par un travail en commun, par des épreuves communes. Le judoka parvenu au niveau requis doit préparer et présenter l’examen de passage du grade suivant. Le grade est une reconnaissance et une responsabilité.